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Lavocat Norbert Van Overloop à propos du nouveau projet de loi sur le droit dasile

Un ordinateur pour rejeter automatiquement les demandes dasile

Nom: Van Overloop

Prénom: Norbert

Age: 45 ans

Situation familiale: marié à Gerda Verlinde et père de deux enfants (Sien, 15 ans et Niels, 12 ans)

Parcours: dirigeant du mouvement étudiant en 1978 contre la hausse du minerval; actuellement avocat au centre De Sikkel (La Faucille) à Gand. Membre de Frontières Ouvertes et du Parti du Travail de Belgique.

Depuis vingt ans, Norbert Van Overloop aide des hommes et des femmes venus du Népal, de Turquie ou dailleurs, pour quils puissent obtenir un statut légal en Belgique. Et il défend aussi des syndicalistes dici quand les patrons les pourchassent. Ou les docteurs de Médecine pour le Peuple contre lOrdre des Médecins. Cet homme, habituellement calme, peut se mettre en colère. Une colère qui ne le quitte pas depuis quil a étudié le projet de loi restreignant une nouvelle fois le droit dasile.

Myriam De Ly et David Pestieau

Pourquoi êtes-vous si furieux?

Norbert Van Overloop. Je pense à tous ces gens que jai rencontrés pendant des années. Par exemple, Murat. Son frère et sa soeur sont arrivés en Belgique avec leurs enfants en 1995. Ils sétaient cachés dans un camion, sans documents didentité. Ils ont traversé une série de pays, sans savoir exactement lesquels. Kurdes, ils fuyaient larmée turque qui a tué deux membres de leur famille sous leurs yeux. Leurs cadavres, accrochés à une jeep, ont été traînés à travers le village. Murat lui-même a été brutalisé par larmée. Lui et sa famille sont reconnus comme réfugiés. Avec la nouvelle procédure, ils nauraient pas la moindre chance.

Vous avez lu cet avant-projet de loi qui modifie lactuel droit dasile. Quelle en est lessence?

Norbert Van Overloop. Ce projet rend le droit dasile caduc et je peux le démontrer! Les droits de lhomme si chers à nos gouvernants quand il sagit dattaquer des pays ennemis (Irak, Cuba,) sont foulés au pied.

Avec ce projet, les demandeurs dasile nont pratiquement plus aucune chance dobtenir le statut de réfugié, à cause dune procédure ultra-rapide et de la négation complète des droits de la défense. Pour limmense majorité, ce serait un ordinateur qui traiterait (lisez rejetterait) automatiquement les demandes sur base de quinze critères. Plus de contact humain, plus dexamen individuel! Un rejet de demande par machine interposée.

Ainsi, on introduit la notion de demandes manifestement non fondées. Les personnes qui tombent dans ces catégories nont pratiquement aucune chance de voir leur démarche aboutir.

Le gouvernement semble ainsi obéir aux directives européennes?

Norbert Van Overloop. Absolument. Le Traité dAmsterdam prévoit que pour le 1er mai 2004, lUnion Européenne dispose dune politique commune en matière dimmigration et dasile. Selon lancien premier ministre hollandais Lubbers, devenu responsable réfugiés à lOnu, et quon ne peut pas vraiment qualifier dextrémiste de gauche, le droit dasile est gravement menacé dans toute lEurope.

Dans sa brochure La politique dimmigration et dasile du nouveau gouvernement libéral-socialiste-écologiste, Frontières Ouvertes expliquait déjà que laccélération de la procédure de demande dasile est une exigence européenne depuis de nombreuses années. Elle a été imaginée au sein de groupes de travail européens comme Schengen, par des fonctionnaires de lIntérieur dont des responsables de la gendarmerie belge. Mettre ce dossier dans les mains de la police veut dire quon considère lasile comme une matière répressive et non comme un droit de lHomme.

Jusquici les demandes dasile étaient traitées par un organisme indépendant, le Commissariat aux Réfugiés (CGRA). Beaucoup sindignent car cet organisme disparaîtrait avec la nouvelle loi.

Norbert Van Overloop. Dans la pratique, suite à des modifications introduites par Vande Lanotte, lindépendance du CGRA nest que relative. Cest maintenant Pascal Smet, monsieur expulsion, architecte de la politique dasile du gouvernement et ancien bras droit de Vande Lanotte et Duquesne, qui dirige le CGRA. Duquesne a annoncé dès le départ que les meilleurs éléments des anciennes institutions seront repris dans les nouvelles. Il sagit évidemment de ceux qui ont une pratique constante de refuser les demandes dasile. Selon mes informations, une opération épuration menée par Smet serait déjà en cours dans les institutions actuelles.

Mais le projet actuel ne maintient même plus ce semblant dindépendance. Il y aura une réforme des institutions. LOffice des Etrangers, le Commissariat Général (CGRA) et la Commission Permanente de Recours nexisteront plus mais seront remplacés par une Administration Fédérale de lAsile (AFA) et une Juridiction Administrative de lAsile (JAA) pour les recours. Des institutions directement dépendantes du Ministère de lIntérieur. Lasile devient ainsi une affaire purement administrative.

Vous avez parlé dune négation complète des droits de la défense

Norbert Van Overloop. On peut même parler dun laminage des droits démocratiques. Par exemple, la première audition par lAdministration de lAsile se fera dans un bureau dasile, en fait un centre ouvert installé à la frontière, où le demandeur doit se rendre dans les 24h après son arrivée sur le territoire. Laudition se fera dans les cinq jours ouvrables après son arrivé dans ce bureau.

Mais, durant ces cinq jours, le demandeur doit rester à disposition dans ce centre, de 8h à 20h. Comment pourra-t-il sassurer de lassistance dun avocat alors quil est coupé de tout contact avec le monde extérieur?

Et puis, la procédure de recours donne tous les pouvoirs au juge

Norbert Van Overloop. Oui. La procédure dappel auprès du Conseil dEtat (quon appelle un appel en Cassation) - souvent la seule chance pour le demandeur - na plus de sens. Voici ce que dit le texte: Ladmission à la procédure en cassation est immédiatement refusée lorsque, de lopinion conforme dun membre de lauditorat et dun membre du conseil et sans quune instruction ou un débat contradictoire soit nécessaire pour le démontrer, le conseil détat est incompétent ou sans pouvoir juridictionnel

Dans la nouvelle loi, cest le juge qui tranche. Immédiatement. Cest du jamais vu, cela permet larbitraire le plus total. Dans notre droit civil, le juge doit avoir une attitude de réserve: il doit entendre toutes les parties avant de prendre une décision. Ce principe démocratique est maintenant inversé.

Lintroduction de la notion de demande manifestement non fondée va permettre dappliquer une procédure accélérée. On peut la comparer à la comparution immédiate de Verwilghen, où là également, les droits de la défense sont bafoués.

Quelle demande est considérée comme manifestement non fondée?

Norbert Van Overloop. On considère comme manifestement non fondées, les demandes des personnes qui nont pas de documents. Or, cest ce qui se produit la plupart du temps: les réfugiés arrivent en Belgique démunis de tout bagage, de tout document et il leur faut un temps assez long pour retrouver des preuves.

Le demandeur qui ne sest pas présenté à un bureau dinscription à la frontière et qui ne sait pas donner une description précise des circonstances de son départ, ainsi que de litinéraire suivi, sera aussi immédiatement refusé. Ainsi quune personne qui quitte un bureau dasile sans autorisation.

Particulièrement inquiétant est le critère provenance dun pays sûr, car il sagit là dune pure décision politique.

Il ny a pourtant pas de liste de pays sûrs?

Norbert Van Overloop. Cest vrai, mais le projet est encore plus sournois. Il parle de pays dans lesquels on sait quil nexiste pas de poursuites de la part de lEtat sur base des opinions politiques, de lethnie, Le projet ajoute: sauf si le demandeur peut prouver le contraire! On va vers larbitraire complet et la constitution dune liste officieuse.

Bush considère comme dangereux des Etats voyoux tels lIrak, la Corée du Nord, Jack Straw, ministre de lIntérieur britannique (travailliste), veut réserver le droit dasile aux ressortissants de pays dirigés par un gouvernement abusif, comme lIrak. Les autres pays sont considérés comme sûrs. En Espagne, on pourchasse les 150.000 sans-papiers équatoriens, provenant dun pays à forte répression politique. Mais on accueille à bras ouverts les 500 Cubains qui émigrent chaque mois vers lEspagne!

La Belgique marche sur les traces de Straw et de Bush. Cette politique vise donc aussi à déstabiliser certains états du tiers monde qui essaient davoir une certaine indépendance vis-à-vis du système capitaliste mondial.

Cette politique est-elle nouvelle?

Norbert Van Overloop. Pas vraiment. La Convention de Genève, qui sert de référence en matière de droit dasile, a été élaborée en juillet 1951 par une conférence limitée des Nations Unies. Vingt-six pays y étaient représentés, dont les Etats européens et les Etats-Unis. Mais les pays de lEst ny participaient pas, car ils considéraient quil sagissait dune stratégie dirigée contre eux pour inviter leurs ressortissants à quitter leur pays. Aucun pays du tiers monde (encore colonisés pour la plupart) ny était représenté.

Tout cela montre bien que les Droits de lHomme sont utilisés en fonction de la conjoncture politique: avant contre les pays socialistes, maintenant contre des pays comme lIrak, la Libye

Bien des syndicalistes et des révolutionnaires du tiers monde ont pourtant invoqué cette Convention de Genève

Norbert Van Overloop. Bien sûr. Ils ont ainsi pu sassurer une certaine protection en Belgique. Au moment de la guerre froide, les deux poids deux mesures auraient été trop flagrants. Mais maintenant, même le droit dasile limité par la Convention de Genève est menacé.

Dautre part, ce sont aussi des ouvriers et paysans du tiers monde, fuyant la misère, à la recherche dun travail, qui ont saisi la procédure dasile, car depuis la fermeture des frontières, en 1974, cétait quasiment la seule façon dentrer en Belgique (à part le regroupement familial et les études, droits qui ont aussi été laminés au début des années 80).

Dans les années 85-90, la pression migratoire sur lEurope est devenue plus importante avec laggravation de la crise au niveau mondial et la chute des pays socialistes en 1989. Le problème des réfugiés est ainsi né en Europe.

Et maintenant le gouvernement veut stopper cette immigration?

Norbert Van Overloop. Oui, il en préfère dautres. Cela lintéresse beaucoup plus davoir des contingents limités douvriers qualifiés, par exemple, quil ne doit plus former. En France, on na régularisé quune partie des sans-papiers. Comme par hasard, tous les informaticiens ont été régularisés

Ce qui compte, ce sont les intérêts économiques du patronat. On restreint le droit dasile, parce que cest une immigration qui ne convient pas. Le capital international, qui peut pénétrer dans tous les coins de la planète au nom du libre marché, veut planifier rigoureusement limmigration!

On va choisir une certaine immigration, à la mesure du patronat, tout en maintenant sur le territoire une partie importante de travailleurs, complètement dénués de droits, les sans-papiers, pour faire pression sur les bas salaires. Il est dailleurs significatif que lavant-projet de loi propose de modifier la possibilité de recours pour raison humanitaire, qui était saisie par les candidats réfugiés déboutés et leurs avocats pour régulariser leur situation. Cela deviendra dorénavant très compliqué. De nombreux déboutés, sils échappent à lexpulsion, iront ainsi grossir les rangs des travailleurs clandestins.

Certains disent que le gouvernement na plus tellement besoin de la nouvelle loi, vu que le nombre de réfugiés a baissé. Quen pensez-vous?

Norbert Van Overloop. En fait lOffice des Etrangers et le Ministère de lIntérieur appliquent déjà certaines orientations de la loi. Le principe last in, first out, celui qui arrive le dernier, part le premier, est déjà appliqué maintenant.

Il est possible, mais pas certain, que le projet de loi ne soit pas discuté dans limmédiat. Mais que se passera-t-il en cas de nouvelle vague dimmigration, comme on peut le prévoir dans les années qui viennent? Le gouvernement ressortira le projet. Donc, il faut exiger son retrait pur et simple, dès maintenant.

Quelles sont les revendications du PTB concernant lasile et limmigration?

Norbert Van Overloop. Il y a deux réponses à donner: une réponse démocratique conséquente concernant limmigration et une réponse démocratique par rapport au droit dasile. En ce qui concerne limmigration, le PTB revendique le droit daccès et de séjour sur le territoire pour toute personne qui veut sinstaller et travailler chez nous.

En ce qui concerne lasile, je pense quil reste toujours important doffrir, en plus de ce droit de séjour, une protection supplémentaire pour des gens en danger, poursuivis par une dictature. De sorte quils ne puissent pas être extradés, poursuivis devant les tribunaux belges pour des faits commis dans leur pays dorigine, quils puissent avoir un passeport international, quils soient protégés contre les polices politiques ou paramilitaires qui agissent dans notre pays.

Aujourdhui, vous avez cependant un motif de satisfaction. La Cour Européenne de Justice vient de déclarer recevable la plainte de la Ligue des Droits de lHomme contre lEtat belge concernant lexpulsion collective des Tsiganes en octobre 99 . Une belle victoire?

Norbert Van Overloop. Cest un premier pas. La Cour européenne des Droits de lHomme pourrait donc estimer que la procédure comme elle existe et comme elle est proposée, plus particulièrement en matière de droits de la défense, nest pas conforme à la Charte européenne des Droits de lHomme. La Cour européenne met la déportation collective en question. Le jugement sur le fond aura lieu en mai.

Si la Ligue gagne ce procès, ce que nous espérons, larrêt de la Cour européenne permettrait de forcer un réel changement de la loi, dans un sens favorable aux candidats réfugiés. Mais cela dépendra aussi beaucoup du mouvement dopinion qui sexprimera en faveur des droits des demandeurs dasile.

Mon ami est originaire de Sierra Leone. Il a introduit une demande de régularisation mais aucune décision na encore été prise. Il a trouvé un employeur qui accepte de lembaucher. Peut-il commencer directement à travailler?

Dabord, votre ami doit se rendre au Forem (à lOrbem à Bruxelles, au Vdab en Flandre). Là, il doit présenter son contrat de travail avec son futur employeur ainsi quune attestation confirmant quil est en procédure de régularisation. Ceci vaut également au cas où le postulant sera embauché dans le cadre dun emploi intérimaire. Si votre ami a introduit une demande de régularisation sur base de la loi du 22 décembre 1999, il doit présenter laccusé réception quil a reçu de la commune. Sil a introduit une demande de régularisation sur base de larticle 9, paragraphe 3 de la loi sur les étrangers, il doit demander une attestation auprès de la direction générale de loffice des étrangers.

Au Forem, Orbem ou Vdab, il doit encore remplir un formulaire de demande de permis de travail relatif à lembauche des travailleurs étrangers.

Dans le temps, il fallait ensuite attendre trois mois avant de pouvoir vraiment aller travailler. Aujourdhui, la chose est possible immédiatement après la demande, pour autant que tous les documents aient été rentrés. Votre ami recevra une attestation à ce sujet.

Après cela, si aucun avis négatif nest exprimé dans les trois mois, on considérera que le permis de travail a été accordé. Ce permis provisoire de travail sera ensuite fourni à lemployeur qui en remettra une copie au travailleur.

Ce permis de travail est valable pour un an. A lissue de cette année, il faut recommencer la même procédure.

Si votre ami a déjà introduit une demande avant le 6 février 2001 auprès du Forem, Orbem ou Vdab, il lui suffit daller chercher lattestation auprès de linstitution concernée.

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